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Demandes nationales de sciages : obstacle ou opportunité pour promouvoir l'utilisation des ressources forestières d'origine légale au Cameroun ?

Lescuyer Guillaume, Tsanga Raphael, Essiane Mendoula Edouard, Ahanda Barthélémy Xavier Embolo, Ouedraogo Hadji Adama, Fung Obed, Dubiez Emilien, Bigombe Logo Patrice. 2016. Demandes nationales de sciages : obstacle ou opportunité pour promouvoir l'utilisation des ressources forestières d'origine légale au Cameroun ?. Bogor : CIFOR, 70 p. ISBN 978-92-5-209533-0

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2016-314_FAO report_Demandes nationales de sciages.pdf

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Url - éditeur : http://www.cifor.org/publications/pdf_files/Books/BLescuyer1601F.pdf

Note générale : ISBN FAO 978-92-5-109533-1

Résumé : L'importance économique et sociale de la consommation domestique de bois est aujourd'hui reconnue en Afrique centrale, mais elle est largement alimentée par des sciages d'origine informelle. Personne n'a encore développé une compréhension globale de ces filières afin d'élaborer les conditions d'améliorer la légalité de ce commerce et de ces pratiques. L'objectif de ce rapport est de passer en revue les différents types de demande et d'offre de produits bois sur le marché intérieur camerounais (Yaoundé et Douala) pour identifier les possibilités de promouvoir une consommation de sciages et de meubles d'origine légale, qui renforcerait la gestion durable des ressources ligneuses et une croissance économiquement verte à long terme. Les demandes privées et publiques visent principalement trois usages du bois : un matériau de construction pour le secteur du bâtiment et des travaux publics, les huisseries, et l'ameublement. Ces demandes s'expriment à quatre niveaux de commercialisation: 1. les marchés urbains : 830,000 m3 de sciages y sont vendus par an, principalement sous forme de planches, de planches de coffrage, de lattes et de chevrons. C'est un secteur dont les caractéristiques ont peu évolué durant la dernière décennie, les produits, les prix et les essences étant quasiment identiques. Le prix moyen d'un mètre cube débité sur ces marchés urbains est d'environ 80,000 F.CFA tous sciages confondus. Les produits supposément d'origine légale, car provenant directement et indirectement des scieries industrielles, ne représentent qu'entre 12 et 18% du volume vendu. Toutefois, entre 15 et 34% des clients se tourneraient vers l'achat de sciages légaux si leur revenu augmentait entre 20 et 100% dans les cinq prochaines années. De plus, la moitié des acheteurs interrogés accepteraient de payer 10% plus cher pour acquérir des sciages d'origine légale. Cette estimation varie en fonction des métiers, des produits et des essences. Enfin, les acheteurs interrogés pourraient supporter une hausse de 45% des prix actuels des sciages avant de les substituer par des produits alternatifs. Il existe donc une acceptation réelle des demandes urbaines pour une certaine augmentation du prix des sciages proposés sur les marchés urbains, qui devrait permettre d'améliorer la légalité et la qualité au moins de certains types de sciage à court/moyen terme. 2. les ateliers de menuiserie: les 515 ateliers interrogés produisent environ 130 000 meubles par an, pour un volume total de 22,000 m3 de sciage après quatrième transformation, et un chiffre d'affaires dépassant 8 milliards F.CFA. Les armoires, les lits et les portes sont les produits les plus vendus, en valeur comme en volume. La quasi-totalité des consommateurs urbains recherche le meilleur rapport qualité/prix pour les meubles en bois. Il y a un manque d'intérêt presque complet pour l'origine légale ou durable des sciages : seulement 19 ateliers de menuisier ont eu à répondre à une demande de bois d'origine légale pendant l'année 2015, et pour une vente totale de 61 meubles. 3. les boutiques de vente de meubles: de janvier à octobre 2015, les 166 boutiques enquêtées ont vendu 22,282 meubles, correspondant à un volume scié de 5788 m3 et un chiffre d'affaires de 3.33 milliards F.CFA. Le lit est le principal meuble vendu par ces boutiques. La légalité du matériau utilisé pour la fabrication des meubles vendus dans les boutiques reste une préoccupation extrêmement rare pour les acheteurs de Yaoundé et de Douala. Depuis leurs créations, seules 10% des boutiques échantillonnées ont eu à répondre à une demande de bois d'origine légale. Sur la période d'enquête, seuls 78 meubles ont été vendus par ces boutiques à des acheteurs soucieux de connaître la légalité du matériau d'origine. 4. les marchés publics: les organismes publics nationaux et internationaux n'ont quasiment pas développé de stratégie promouvant l'origine légale des sciages utilisés pour répondre à des marchés publics. Pourtant, entre juillet 2015 et juin 2016, 1029 appels d'offre comprenant des travaux utilisant du bois d'oeuvre ont été publiés dans le Journal des Marchés Publics du Cameroun, portant sur 2134 " chantiers " de construction ou de rénovation d'infrastructures publiques. Les salles d'école constituent la classe majoritaire de ces appels d'offres. Cette demande publique de sciages avoisine 13,000 m3 par an, faisant de l'Etat camerounais le principal acheteur de sciages et de meubles sur le marché intérieur. Pour répondre à ces différentes demandes, il existe quatre offres de sciages et de meubles d'origine supposée légale sur le marché intérieur camerounais : 1. les Forêts Communautaires (FC): consacrées dans la loi forestière de 1994, les FC ont connu beaucoup de succès dans les années 2000 mais ont finalement un faible impact sur la production légale de sciages, les nombreuses procédures imposées par le gouvernement empêchant un décollage effectif de l'activité. Sur la base des Certificats Annuels d'Exploitation accordés par le gouvernement et sous l'hypothèse d'une production légale de 60 m3/an/FC, la production totale des FC n'a jamais atteint 10,000 m3 de sciages par an. Le coût de revient d'un mètre cube de bois débité par une FC et rendu sur le marché est au minimum de 150,000 F.CFA. 2. les Permis d'Exploitation du Bois d'oeuvre (PEBO) permettent d'exploiter environ 160 m3 de sciages chacun. Après avoir été suspendus pendant presque une décennie, le Ministère en charge des forêts a lancé deux appels d'offre en 2012 pour 159 PEBO, dont 51 seulement ont été fructueux, soit un volume maximal de 8000 m3 de sciages potentiellement exploitables. Les procédures de mise en oeuvre des PEBO demeurent coûteuses, puisque le coût de revient d'un mètre cube de bois débité est estimé à 280,000 F.CFA. Ce montant explique que de nombreux détenteurs de PEBO ne se soient finalement pas engagés dans la production, au moins vers le marché intérieur. 3. les industries: le suivi des ventes de sciages sur les marchés urbains de Yaoundé et de Douala en 2009–10 a montré qu'environ 145,000 m3 provenaient plus ou moins directement de scieries industrielles. Pourtant, très peu de scieries industrielles se déclarent actives sur le marché intérieur. Leurs ventes restent centrées sur des bois blancs de qualité non exportable. Or, même pour ces produits de bas de gamme, les sociétés industrielles pratiquent des prix de 30 à 50% plus élevés que les sciages exposés sur les marchés urbains. A côté de ces ventes officielles sur le marché intérieur par les entreprises, il y a un grand nombre de rebuts des scieries industrielles qui se retrouvent sur les marchés urbains, pour lesquels il n'existe aucun suivi de la part des entreprises. 4. les importations de meuble en bois ont doublé depuis 2007 et atteignent un chiffre d'affaires de 5.3 milliards F.CFA en 2015, soit environ 10,000 m3. Cette tendance indique un décrochage des producteurs nationaux pour répondre à de nouvelles demandes, en raison de carence d'équipement et de formation technique comme commerciale. Le tableau suivant récapitule les volumes annuels, les prix et les chiffres d'affaires liés à la production des sciages et de meubles commercialisés sur le marché intérieur camerounais. Il existe deux obstacles majeurs à l'apparition d'un marché domestique du sciage légal au Cameroun. D'une part, l'acceptation par les acheteurs d'une augmentation des prix des sciages liée à leur légalisation ne sera pas suffisante pour couvrir les coûts de revient actuels des sciages d'origine légale, qu'ils proviennent des FC, des PEBO ou des industries. D'autre part, la production maximale de sciages artisanaux d'origine légale ne permet aujourd'hui de répondre qu'à une faible partie des besoins des consommateurs. La légalisation du marché intérieur du bois au Cameroun se heurte donc à une double contrainte de prix et de volume. Diminuer le coût de production des sciages légaux à destination du marché domestique est l'approche la plus souvent citée et, dans une certaine mesure, expérimentée. Cette politique de soutien à l'offre reste difficile à appliquer pour de nombreuses raisons qui tiennent au coût de mise en oeuvre des PEBO, à la mauvaise gouvernance qui gangrène les FC ou au faible intérêt de l'industrie de s'attaquer au marché intérieur jugé peu rémunérateur. Des mesures sont toutefois envisagées et testées par le gouvernement pour contraindre les entreprises à davantage alimenter les marchés urbains, notamment à partir de leurs concessions aménagées. Une approche complémentaire pourrait être promue, celle de soutenir les demandes privées et publiques de sciages d'origine légale. Certains consommateurs sont déjà prêts à payer davantage pour acquérir des produits légaux, notamment pour des produits et des essences maintenant identifiés. L'augmentation à moyen terme des revenus des classes moyennes ne fera que renforcer cette tendance. Enfin, le gouvernement camerounais plébiscite l'idée d'une contrainte d'approvisionnement en sciages légaux pour tous les marchés publics qui, à défaut de jouer directement sur de gros volumes, pourrait avoir une portée symbolique sur le grand public, tout en ayant un effet de levier sur le monde économique.

Mots-clés Agrovoc : bois, économie forestière, commerce intérieur, marché, bois débité, législation, protection de la forêt, pratique illégale, offre et demande, consommation intérieure, prix, production du bois, certification des forêts, politique forestière, politique de l'environnement, gestion des ressources naturelles, développement durable

Mots-clés géographiques Agrovoc : Cameroun

Classification Agris : K50 - Technologie des produits forestiers
K10 - Production forestière
E72 - Commerce intérieur
P01 - Conservation de la nature et ressources foncières

Champ stratégique Cirad : Axe 2 (2014-2018) - Valorisation de la biomasse

Auteurs et affiliations

  • Lescuyer Guillaume, CIRAD-ES-UPR BSef (IDN) ORCID: 0000-0003-0952-8656
  • Tsanga Raphael, CIFOR (IDN)
  • Essiane Mendoula Edouard, CIFOR (BFA)
  • Ahanda Barthélémy Xavier Embolo, Université de Yaoundé 2 (CMR)
  • Ouedraogo Hadji Adama, Université de Yaoundé 2 (CMR)
  • Fung Obed, Université de Yaoundé 2 (CMR)
  • Dubiez Emilien, CIRAD-ES-UPR Forêts et sociétés (FRA) ORCID: 0000-0002-7097-5263
  • Bigombe Logo Patrice

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Source : Cirad-Agritrop (https://agritrop.cirad.fr/582605/)

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