Goulet Frédéric.
2015. Différencier la recherche scientifique et technique " par la cible " : l'émergence de l'agriculture familiale dans la recherche agronomique en Argentine.
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Résumé : La "petite agriculture familiale" est devenue ces dernières années une catégorie de pensée et d'action de premier plan au sein des institutions nationales ou internationales de recherche ou de gouvernance du secteur agricole. L'année 2014, désignée par les Nations Unies "Année internationale de l'agriculture familiale", a constitué un pic dans la mise à l'agenda politique et scientifique de ce pan des mondes agricoles contemporains. Pour ses défenseurs, cette population aurait en effet été laissée de coté pendant des années par les processus de modernisation technologique, alors qu'elle représenterait une part considérable des effectifs de population actives en zones rurales, et qu'elle contribuerait de façon substantielle à la production d'aliments. Dans nombre de pays, notamment en Amérique du sud avec l'arrivée au pouvoir de plusieurs gouvernements de gauche, on a donc assisté depuis le début des années 2000 à la mise en place de politiques et d'institutions publiques différenciées visant à soutenir spécifiquement cette catégories d'agriculteurs. La création d'un Ministère de la réforme agraire au Brésil, d'un Sous-secrétariat puis Secrétariat d'Etat à l'agriculture familiale en Argentine, témoigne de cette volonté d'organiser et de soutenir ces populations jusqu'à alors périphérique au giron de l'action publique. Cette dynamique a trouvé également une déclinaison dans le champ de la recherche agronomique et du développement agricole. Au sein des institutions nationales de recherche agronomique, des universités d'agronomie, sont en effet créés au cours des années 2000des Centre de recherche, des programmes, des Chaires d'enseignement, dont les activités sont spécifiquement dédiés à l'étude, mais surtout à l'appui opérationnel, des petits agriculteurs familiaux. Dans le cas argentin, qui nous intéressera ici plus spécifiquement, est ainsi créé au sein de l'INTA1le CIPAF, Centre de Recherche (investigación) pour la Petite Agriculture Familiale, de même qu'au sein de la Faculté d'Agronomie de l'Université de Buenos Aires voit le jour une Chaire de Souveraineté Alimentaire, tournée vers l'agriculture familiale et des techniques de production alternatives souvent désignées par le terme d'"agroécologie".Le processus que nous décrivons consiste ainsi à la mise en place au sein du champ scientifique et technologique de collectifs professionnels dont l'activité est explicitement dédiée à une catégorie donnée de la population. Dans cette communication, nous nous intéresserons à ce processus de différenciation "par la cible" au sein d'un domaine scientifique et technologique appliqué, en nous intéressant aux acteurs qui composent et animent ces collectifs dédiés à l'agriculture familiale. Quelles pratiques et quelles identités professionnelles défendent-ils au sein des communautés scientifiques, universitaires, et technologiques locales? Quelles relations entretiennent-ils avec les autres acteurs "traditionnels" de la recherche agronomique, et comment ces derniers perçoivent-ils en retour l'émergence de cette nouvelle catégorie d'action et d'organisation institutionnelle? A partir d'entretiens exploratoires conduits avec des agents de ces institutions dédiées, et d'observations ethnographiques conduites lors de rencontres scientifiques et de vulgarisation, nous tâcherons d'apporter des premiers éléments de réponse à ces questions. Nous nous attacherons tout d'abord à caractériser les trajectoires professionnelles des agents engagés, autour desquelles ressortent deux caractéristiques principales: 1) une proximité forte avec les activités de développement, perçues comme plus utile à la société que les activités académiques conduites en laboratoire 2) une forte représentation d'agents formés dans des universités de sciences sociales, ou d'ingénieurs agronomes intéressés à travailler avec des publics en difficulté. Au prisme de la littérature STS et sociologique au sens large portant sur la formation des catégories, nous monterons ensuite comment les acteurs qui donnent corps à ces collectifs sont animés par des logiques de différenciation, d'émancipation vis-à-vis de ce qu'ils considèrent comme des formes dominantes au sein de la recherche agronomique, des mondes agricoles, et de la société dans son ensemble. Si l'idée d'engagement et d'action "au service de" semble a priori fondatrice, nous verrons en effet que l'activité critique et la mobilisation "contre" sont centrales dans l'engagement de ces acteurs: contre une agriculture industrielle latifundiaire qui détruirait les milieux naturels et les sociétés agraires, contre une science de laboratoire, trop spécialisée, qui se soucierait peu de l'impact réel de ses travaux et des besoins réels des acteurs de terrain, ou contre des politiques libérales qui nuiraient aux couches les plus vulnérables de la société. Nous rendrons compte enfin des débats que suscitent ces positions auprès d'acteurs plus traditionnels de la recherche agronomique, inscrivant leur activité de recherche et d'enseignement dans une perspective universaliste, au service de la connaissance et du monde agricole dans son ensemble. (Texte intégral)
Classification Agris : E80 - Economie familiale et artisanale
E14 - Economie et politique du développement
Auteurs et affiliations
- Goulet Frédéric, CIRAD-ES-UMR INNOVATION (FRA) ORCID: 0000-0001-8735-6146
Source : Cirad-Agritrop (https://agritrop.cirad.fr/577104/)
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