Cheyns Emmanuelle.
2014. Standards volontaires privés : gouverner par la soft law.
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Note générale : Emmanuelle Cheyns est l'expert invité du Cirad
Résumé : Depuis la fin des années 1990, des dispositifs transnationaux " multi parties prenantes " de normalisation des pratiques agricoles prétendent pouvoir gouverner la prise en charge d'un bien commun, la " durabilité ". Issus de campagnes d'ONG internationales de conservation de la nature, qui ont mobilisé l'opinion publique, ces dispositifs privés et volontaires ont l'ambition d'" internaliser ", par le marché, les conséquences négatives d'une agriculture industrielle au Sud. La table ronde sur le palmier à huile durable (RSPO : Roundtable on Sustainable Palm Oil) émerge ainsi en 2001, dans le sillage des injonctions du développement durable favorisant les partenariats " business-ONG " (Mert, 2008). Créée à la suite de campagnes de WWF, Greenpeace et des Amis de la Terre suite aux incendies de forêts qui ont dévasté l'Indonésie en 1997-1998, cette " table ronde " est la première initiative d'une série d'autres tables rondes multi-parties prenantes sur le soja, le coton, la canne à sucre ou encore les biocarburants durables. En énonçant " une faible capacité des gouvernements du Sud " à préserver les biens environnementaux (WWF, 2002), des rapports de dénonciations d'ONG au début des années 2000 pointent les éléments d'une nouvelle stratégie : la mobilisation des acteurs privés qui ont une influence sur le marché mondial (banques et acheteurs européens) dans une gouvernance partenariale et privée. WWF se lance alors dans ces processus de normalisation des " bonnes pratiques " des entreprises à travers des dispositifs multi-parties prenantes. Ces dispositifs visent à définir des normes environnementales et sociales ou " standards de durabilité ", puis à les contrôler à travers une certification privée. Ils appuient leur légitimité sur la représentation d'une diversité d'intérêts spécifiques par les parties-prenantes, en substitution à un gouvernement public, pour définir et réglementer la " durabilité ". Pour les entreprises comme pour WWF, les standards crées visent à résoudre, par des mécanismes de marché (la certification privée et la demande européenne), des problèmes causés par le marché, soit la dégradation des ressources liée à l'exigence de rentabilité et de profit des entreprises (WWF Brésil, entretien 2006). Des éléments de contestation produits par d'autres ONG, en dehors des tables rondes en appellent à d'autres modalités d'action, voire contestent ces dispositifs. La négociation entre intérêts par les parties prenantes et le recours au marché sont des pièces fortes de ces nouveaux " gouvernements par les normes " (Thévenot 1997) et signalent un tournant " libéral " (Thévenot, 2011) des répertoires d'action de certaines ONG. Mais ces dispositifs génèrent aussi des exclusions, à travers des processus de dépolitisation du débat et de l'action et une difficulté à accueillir les personnes localement affectées. Cette communication propose ainsi de caractériser le dispositif matériel et politique sur lequel repose la construction de l'accord dans ces dispositifs, en étant attentifs aux différentes tensions qu'il génère, en interne, mais aussi en externe, par des ONG qui les contestent. Ces résultats s'appuient sur une observation participante menée depuis 2003 au sein de deux Tables rondes impulsées par WWF dans les secteurs palmier à huile et soja, le suivi des campagnes d'ONG sur ces questions depuis 1998 (rapports clés, articles de presse, déclarations publiques, visuels, sites web), ainsi que des entretiens réguliers auprès des participants (ONG, banques, sociétés de plantations, détaillants européens, agriculteurs familiaux indonésiens), en en particulier auprès des représentants d'agriculteurs familiaux (syndicats) et des communautés locales en Indonésie. Ce travail d'enquête est attentif aux répertoires discursifs, aux formats de connaissance et aux modalités d'action engagées dans les épreuves critiques.
Mots-clés libres : Standards volontaires de durabilité, Soft law, Huile de palme, ONG
Auteurs et affiliations
- Cheyns Emmanuelle, CIRAD-ES-UMR MOISA (FRA)
Source : Cirad-Agritrop (https://agritrop.cirad.fr/591998/)
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