Fok Michel, Nicolay Gian, Meier Matthias, Balarabe Oumarou, Calaque Romain. 2019. Analyse de la chaîne de de valeur du coton au Cameroun. Rapport pour la Commission Européenne, DG DEVCO. Value Chain Analysis for Development Project(VCA4D CTR 2016/375-804). s.l. : CIRAD-FiBL, 303 p.
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Résumé : La chaîne de valeur (CV) coton au Cameroun revêt une importance économique majeure dans le partie Nord, région la plus pauvre du pays. Au cours de la campagne 2017-18 étudiée, avec une production de 254 181 tonnes de coton-graine (305'000 t tonnées en 2018-19), elle a généré des revenus pour plus de 30% des ménages ruraux tout en assurant la sécurité alimentaire par les cultures céréalières en rotation avec le coton. Les zones de production cotonnière sont touchées par une insécurité persistante liée à Boko Haram dans la sous-région du Lac Tchad mais aussi aux rapts pour rançon opérés au niveau national et par des conflits croissants entre agriculteurs et éleveurs transhumants. La réduction de l'insécurité doit associer les acteurs locaux, elle interpelle les connaissances sur le fonctionnement local et l'imagination pour des actions efficaces. La réduction des débouchés au Nigéria des produits agricoles, devant persister au moins jusqu'aux prochaines élections de 2023, pousse les paysans à vouloir produire davantage de coton pour satisfaire leurs besoins monétaires dans un fonctionnement de plus en plus monétisé des sociétés rurales. Le coton est rentable pour les producteurs, même pour la grande masse de ceux produisant sur moins d'un hectare. Il induit des rentrées monétaires aux groupements de producteurs (GP) leur permettant de conduire des actions à impact socio-économique positif mais dont la portée est limitée par les moyens financiers disponibles. La production est déjà dans une phase croissante depuis plusieurs années à la faveur d'un partenariat remarquable entre la Sodecoton (SDCC), la Confédération Nationale des Producteurs de coton du Cameroun (CNPC-C) et les GP, sans signes défavorables sur la sécurité alimentaire dans les exploitations concernées. Les dispositifs informatiques de suivi-évaluation et de supervision des GP au sein de la SDCC constituent de formidables outils pour savoir qui sont les producteurs/GP et comment ils produisent/opèrent, même si les compétences méritent d'être renforcées pour tirer davantage d'information des dispositifs. Tout en exécutant des missions de service public pour le compte de l'Etat (notamment maintenance des pistes et appui à l'élevage), la SDCC a renoué avec les bénéfices dans son métier "coton". Le retour à une situation financière positive reste fragile du fait de l'état des moyens et des infrastructures dans le transport et la transformation mais aussi de l'écoulement insuffisant des produits solides de la trituration, alors que des voies possibles semblent exister. La perspective d'augmentation continue de la production est cependant source de risque de déficit financier colossal de la SDCC qui a l'obligation d'acheter tout le coton graine aux producteurs, et donc de grande perturbation du fonctionnement de la CV, dans le contexte de persistance de sous-capacités touchant au transport et à la transformation industrielle et d'insécurité de fourniture d'énergie. Le niveau de déficit financier sera d'un niveau bien plus important que celui de 36 milliards de FCFA qui a été connu dans un passé encore récent. La déclaration d'intervention des partenaires financiers au développement tarde à se concrétiser. Le risque déficit financier colossal au niveau de la SDCC à court terme impose une limite aux tergiversations et de prendre les responsabilités. Au niveau des paysans, l'augmentation prévisible de la production reposera sur la poursuite de l'extension des superficies dans un contexte de baisse de fertilité des sols et elle pose des problèmes fonciers ou d'exploitation de l'espace menaçant la stabilité et la paix sociales. Sous une forte poussée démographique (fécondité de six enfants par femme), ces problèmes se posent en termes de disponibilité foncière dans l'Extrême Nord, d'exploitation accrue des terres des zones de conservation de la biodiversité dans le Nord, et d'accès au foncier plus difficile pour la grande masse des "petits" paysans (70% de l'ensemble des paysans) dans l'ensemble des zones cotonnières. La persistance à laisser ces problèmes sans réponses adéquates a pour effet d'exacerber les conflits entre agriculteurs et éleveurs transhumants. La résolution des problèmes évoqués dans les domaines du foncier ou d'occupation de l'espace n'est pas facile dans la structure actuelle de gouvernance et la mauvaise communication entre les chefs traditionnels des Lamidats et les institutions officielles relevant du gouvernement (telles les Communes établies depuis 20 ans mais peu dotées en moyens et en capacités) ou de la société civile, alors que la SDCC n'a ni le mandat ni les capacités pour intervenir. Le soutien à l'augmentation de la production requiert la mise en oeuvre d'actions d'accompagnement dans l'exploitation du foncier et l'occupation de l'espace dans une démarche de responsabilité partagée entre les acteurs impliqués sur le terrain. Les expériences dans les voisins peuvent servir d'inspiration. La restriction de l'extension des superficies doit être recherchée par un gain de productivité à la faveur d'actions idoines en recherche/développement et à conduire au plus vite, en exploitant un partenariat existant qui est performant. La conduite des actions mentionnée aura en retour un effet favorable sur l'impact environnemental de la CV. La durabilité de la CV coton au Cameroun est tributaire surtout du succès des actions régionales pour combattre Boko Haram et des actions nationales pour pacifier la cohabitation des agriculteurs et des éleveurs transhumants (par exemple par l'aménagement de corridors). La correction de l'iniquité des subventions octroyés par les pays riches à leurs producteurs pourrait avoir également un effet favorable, mais elle est attendue déjà depuis 2003. Sous réserve que les actions régionales et nationales mentionnées sont conduites dans le sens de l'efficacité, des actions relevant plus spécifiquement de la CV doivent être envisagées selon des échéances différenciées, sans cependant appréhender l'échéance liée au changement climatique en cours et dont les manifestations ne sont pas encore bien cernées ni stabilisées. A brève échéance, il s'agit de : • Mettre en conformité les capacités de transformation, de transport et de fourniture d'énergie au sein de la SDCC ; • Adapter les actions d'appui à la production auprès des petits producteurs de coton autant qu'auprès des plus gros ; • Renforcer les moyens financiers des GP pour accroître la portée socio-économique de leurs actions ; • Etablir de nouveaux partenariats pour assurer l'écoulement des produits solides de la trituration des graines de coton ; • Renforcer la recherche pour de nouveaux itinéraires techniques plus productifs et à recours réduit aux intrants chimiques ; • Augmenter les compétences dans le fonctionnement des dispositifs informatiques au sein de la SDCC pour aider à suivre les actions conduites ; Dans une échéance de 5 à 10 ans, il convient de : • OEuvrer pour la diversification des productions agricoles, en poursuivant les actions déjà conduites (cas du soja) ou en lançant de nouvelles productions, afin que s'instaurent d'autres CV pour compléter les sources de revenu des populations ; • Etendre le domaine d'action du partenariat entre la SDCC, la CNPC-C et les GP à la question foncière et à l'occupation de l'espace dans ses aspects de disponibilité, d'accès et d'entretien de la fertilité sous les divers modes d'usufruit (notamment celui de la location). L'implication des instances traditionnelles (lamidats) et modernes (Communes) de gouvernance est incontournable, elle interpelle l'imagination pour un cadre de partenariat dépassant la dimension tripartite actuelle et la volonté pour fournir les moyens et les capacités nécessaires.
Mots-clés libres : Cameroun, Coton, Chaine de valeur
Agences de financement européennes : Directorate-General for International Cooperation and Development
Projets sur financement : (EU) Value Chain Analysis for Development Project
Auteurs et affiliations
- Fok Michel, CIRAD-PERSYST-UPR AIDA (FRA) ORCID: 0000-0001-8709-5687
- Nicolay Gian
- Meier Matthias
- Balarabe Oumarou, CIRAD-PERSYST-UPR AIDA (BEN)
- Calaque Romain, Wildlife Conservation Society (GAB)
Source : Cirad-Agritrop (https://agritrop.cirad.fr/594575/)
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