Duteurtre Guillaume, Corniaux Christian, De Palmas Aurélie. 2020. Lait, commerce et développement au Sahel : impacts socioéconomiques et environnementaux de l'importation des mélanges MGV européens en Afrique de l'Ouest. Montpellier : CIRAD, 74 p.
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Titre anglais : Milk, trade and development in the Sahel : Socioeconomic and environmental impacts of European vegetable fat dairy blend imports in West Africa
Note générale : La traduction anglaise du rapport est parue en mai 2021 ; traduction par Grace Delobel
Résumé : 1. Depuis 2018, un consortium d'organisations de la société civile ouest-africaine et d'ONG européennes mène des activités de plaidoyer pour créer un cadre politique propice au développement durable et équitable des chaînes de valeurs laitières locales en Afrique de l'Ouest. Il s'agit de veiller à ce que les politiques agricoles et commerciales et les pratiques d'investissement des entreprises soient compatibles avec les objectifs de développement durable de l'ONU, et avec des règles commerciales équitables et responsables. 2. De fait, depuis une vingtaine d'années, les politiques commerciales mises en place dans les pays ouest-africains ont favorisé l'importation de lait en poudre européen à bas prix. Mais depuis 10 ans, les importations de poudre de lait ont été progressivement remplacées par des produits d'un type nouveau : les mélanges de poudre de lait écrémé et de graisse végétale en poudre. Ces " mélanges MGV ", pour une grande part originaires d'Europe, ont représenté en 2019 plus des 2/3 de importations laitières ouest-africaines. Ces produits ont généré un certain nombre de controverses relatives à leur étiquetage, à leur qualité nutritionnelle et à leurs impacts environnementaux et sociaux. 3. Afin d'éclairer ces controverses, et de renforcer l'argumentaire des organisations professionnelles d'éleveurs et de pasteurs, la présente étude fait le point sur les connaissances disponibles sur les impacts socio-économiques et environnementaux comparés des différentes matières premières laitières utilisées dans la chaîne de valeur laitière locale. La comparaison est faite selon un ensemble de critères socio-économiques et environnementaux, qui incluent le revenu, l'emploi, le développement rural, la sécurité nutritionnelle, et la préservation de l'environnement. Jusqu'à présent, il n'existait aucun travail synthétique qui puisse donner une image complète pour faire cette analyse comparative. 4. L'étude permet de fournir un certain nombre d'indicateurs au vu des données déjà publiées. Mais elle identifie aussi les travaux de recherche nécessaires pour compléter ces connaissances et pour répondre aux questions soulevées par cette situation inédite. Cette revue souligne aussi que les stratégies de développement durable nécessitent des arbitrages entre plusieurs objectifs et doivent donc être guidées par plusieurs indicateurs. 5. Les poudres importées apparaissent, en effet, particulièrement efficaces pour fournir aux industries une matière première bon marché, et pour leur permettre de répondre à la croissance rapide de la demande. Ces importations représentent aujourd'hui 40 % du disponible laitier dans la région, et jusqu'à 90% dans certaines villes côtières comme Dakar. Ces importations ont ainsi permis l'émergence d'un secteur de la transformation laitière ouest-africain qui a créé de nombreux emplois urbains, et qui a permis la mise sur le marché de produits laitiers transformés bon marchés. La consommation moyenne par habitant a pu se maintenir à 20 kg/hab./an (> 50 kg/hab/an dans les pays sahéliens) malgré la croissance rapide de la population, et l'urbanisation soutenue. Les importations de poudre ont aussi contribué à sécuriser les emplois européens dans le secteur de la production et de la transformation, dans le cadre d'une stratégie de conquête des marchés à l'exportation. 5 6. Cependant, les objectifs économiques et sociaux qui ont justifié l'essor de ces importations ont éclipsé un certain nombre d'autres objectifs pourtant essentiels au développement durable en Afrique. En particulier, le rôle de l'élevage local dans la création d'emplois en zone rurale a été oublié, alors que des millions de familles pastorales et agro-pastorales produisent du lait dans la région. On estime aujourd'hui que seulement 20 000 familles d'éleveurs sont concernées par la collecte de lait industrielle en Afrique de l'Ouest, alors que le potentiel est bien supérieur. Et la part du lait collecté varie entre seulement 1 et 7 % du total du lait produit, selon les pays. Les filières d'importations ont ainsi négligé le rôle des industries laitières dans la création de débouchés pour les éleveurs locaux. De même, le recours à des matières premières importées de qualité standard a conduit à un nivellement par le bas de la qualité des produits laitiers consommés en Afrique de l'Ouest. 7. Pourtant, la région est riche d'une culture laitière pastorale basée sur de nombreux produits et savoir-faire laitiers qui apparaissent aujourd'hui très largement sous-valorisés. Qui plus est, les données disponibles relatives à l'impact environnemental des élevages pastoraux et agro-pastoraux révèlent que ces modes de production extensifs ou semi-extensifs sont particulièrement intéressants pour réduire l'impact carbone du secteur laitier, préserver la biodiversité des écosystèmes, et limiter la déforestation. Par exemple, le bilan en termes de gaz à effet de serre (GES) des territoires pastoraux sahéliens serait proche de l'équilibre, en raison de l'importance des parcours naturels et des sols dans la séquestration du carbone. Les systèmes de collecte du lait local mis en oeuvre par une vingtaine d'industries et par environ 300 mini-laiteries de la zone montrent d'ailleurs que ce modèle est porteur d'avenir à condition que les élevages puissent faire évoluer leurs pratiques d'alimentation, et que les entreprises laitières puissent investir dans des dispositifs de collecte. 8. A contrario, la littérature disponible suggère que les impacts environnementaux des mélanges de lait écrémé et de matières grasses en poudre sont problématiques, en raison notamment de l'incorporation d'huile de palme non certifiée, c'est-à-dire sans garantie environnementale. Ces produits génèrent par ailleurs des risques de tromperies des consommateurs, certains étiquetages ne répondant pas aux normes du Codex. On estime que 30% des produits consommés dans la région ne répondent pas aux normes du Codex en matière d'étiquetage. Aujourd'hui, la montée en puissance des mélanges MGV dans les exportations européennes vers l'Afrique soulève la question des exportations " responsables ", et milite pour que les politiques ouest-africaines reconsidèrent leur mode d'insertion dans le commerce international.
Résumé (autre langue) : 1. Since 2018, a consortium of West African civil society organizations and European NGOs has been advocating for the creation of a policy framework that would enable the sustainable and equitable development of local dairy value chains in West Africa. The goal is to ensure that agriculture and trade policies and corporate investment practices are consistent with UN Sustainable Development Goals and fair and responsible trade rules. 2. Indeed, for the past 20 years, trade policies implemented in West African countries have encouraged the importation of low-cost European milk powder. Over the last 10 years, milk powder imports have been gradually replaced by a new type of product: mixtures of skim milk and vegetable fat in powdered form that is often and improperly called fat-filled milk powder (FFMP). To better reflect their content, we refer to them as “vegetable fat dairy blends” (VFD blends). In 2019, these blends, which originate for the most part in Europe, accounted for more than two-thirds of West African dairy imports. These products have generated considerable controversy with regard to their labeling, nutritional quality and environmental and social impacts. 3. This study seeks to shed light on these controversies and to strengthen the positions of professional livestock farmer and pastoralist organizations. It does so by reviewing available knowledge concerning the comparative socioeconomic and environmental impacts of the different dairy raw materials used in the local dairy value chain. The comparison is made using a set of socioeconomic and environmental criteria which include income, employment, rural development, nutritional security, and the preservation of the environment. Until now, no comprehensive study existed that could provide a complete picture for such a comparative analysis. 4. The study provides a number of indicators based on previously published data. It also identifies the research work that still needs to be done to round out this knowledge and answer the questions raised by this unprecedented situation. This review also emphasizes that sustainable development strategies require trade-offs between several objectives and must therefore be guided by several indicators. 5. Imported powders appear to be particularly effective in providing industries with cheap raw material and enabling them to meet rapid growth in demand. These imports now account for 40% of the available milk in the region, and up to 90% in some coastal cities such as Dakar. These imports have enabled the emergence of a West African dairy processing sector that has created many urban jobs and has made it possible to market inexpensive processed dairy products. Average per capita consumption has been maintained at 20 kg/capita/year (> 50 kg/capita/year in Sahelian countries) despite rapid population growth and sustained urbanization. These powder imports also have helped secure European jobs in the production and processing sector under a strategy to capture export markets. 6. However, the economic and social objectives justifying the strong growth of these imports have overshadowed a number of other objectives that are essential to sustainable development in Africa. In particular, the role of local livestock farming in creating employment in rural areas has been overlooked, despite the fact that millions of pastoral and agropastoral families produce milk in the region. It is estimated today that only 20,000 pastoralist families are involved in industrial milk collection in West Africa, whereas the potential is much greater. Moreover, the share of milk collected varies between only 1 and 7% of the total milk produced, depending on the country. Importing industries have thus neglected the dairy sector's role in creating outlets for local livestock farmers. Similarly, the use of standard grade imported raw materials has led to a decrease in the quality of dairy products consumed in West Africa. 7. Yet the region has a rich pastoral dairy culture based on numerous dairy products and know-how that appear to be grossly undervalued today. Available data on the environmental impact of pastoral and agropastoral livestock production furthermore show that these extensive and semi-extensive production systems are particularly suited for reducing the carbon impact of the dairy sector, preserving the biodiversity of ecosystems, and limiting deforestation. For example, the greenhouse gas (GHG) balance of Sahelian pastoral territories may be close to equilibrium due to the importance of natural pastures and soils in carbon sequestration. The local milk collection systems implemented by some 20 industries and 300 mini-dairies in the region show that this model could have a promising future, provided that livestock farms can change their feeding practices and that dairy companies can invest in collection systems. 8. In contrast, the available literature suggests that the environmental impacts of mixtures of skim milk and vegetable fat in powdered form are problematic, due in particular to the incorporation of non-certified palm oil, i.e., without environmental guarantees. These products also carry the risk of misleading consumers, as some labels do not meet Codex standards. It is estimated that 30% of the products consumed in the region do not meet Codex labeling standards. Today, the surging share of vegetable fat dairy blends in European exports to Africa raises the question of "responsible" exports, and calls for West African policies to reconsider modes of integration into international trade. 9. Based on this review, we suggest a number of recommendations for the actors involved in these sectors. First, this initial review should be supplemented by research and studies to fill gaps in the data. Second, nomenclature and labeling practices need to evolve. Third, European dairy companies should develop responsible export and investment strategies and approaches. Lastly, tax measures and incentives should be targeted to encourage local milk collection.
Mots-clés libres : Lait et produits laitiers, Commerce international, Afrique de l'Ouest, Etude d'impact, Exportations européennes, Milk and dairy products, International trade, West Africa, Impact assessment, European exports
Auteurs et affiliations
- Duteurtre Guillaume, CIRAD-ES-UMR SELMET (FRA) ORCID: 0000-0002-5223-2589
- Corniaux Christian, CIRAD-ES-UMR SELMET (FRA) ORCID: 0000-0002-0046-5989
- De Palmas Aurélie
Source : Cirad-Agritrop (https://agritrop.cirad.fr/597139/)
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