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Avenir de l'agriculture martiniquaise : avec ou sans glyphosate ? Exploration participative des voies de sortie

Andre Perrine, Imache Amar, Cattan Philippe, Poser Christophe, Pak Lai-Ting. 2024. Avenir de l'agriculture martiniquaise : avec ou sans glyphosate ? Exploration participative des voies de sortie. . INRAE, Fondation Evertéa, ISA. Lyon : INRAE, Résumé, 2 p. Congrès du Groupe français de recherches sur les pesticides. 52, Lyon, France, 22 Mai 2024/24 Mai 2024.

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Résumé : La Martinique en 2021, était au deuxième rang des départements français les plus consommateurs de glyphosate par hectare de surface agricole utile (BNV-D, 2021) avec une moyenne (1 kg.ha-1.an-1) trois fois supérieure à la moyenne nationale (0,3 kg.ha-1.an-1). Le glyphosate et son métabolite, l'AMPA, ont été quantifiés dans les cours d'eau de Martinique, parfois à des niveaux dépassant les seuils de potabilité (Delarque & Pak, 2023). En détruisant les couverts végétaux, les usages intensifs de glyphosate sont susceptibles d'amplifier les phénomènes de ruissellement et d'érosion favorisant le transfert vers le milieu marin de la chlordécone encore présente dans les sols contaminés, comme le suggèrent Sabatier et al. (2021). De plus, les dernières études en Martinique nous enseignent que le glyphosate impacte la biodiversité de la macrofaune du sol avec des pertes allant jusqu'à 55 % de la richesse en détritivores, pourtant essentiels à l'écosystème (El Jaouhari et al., 2023). À cela s'ajoute la difficulté des agriculteurs martiniquais à adopter à court terme des modes de production alternatifs. Ceci est dû à plusieurs contraintes locales (pressions des adventices, pentes, etc.) et un manque d'approche systémique de la réduction des usages de pesticides. Car en effet, les trajectoires de changements de pratiques agricoles dépendent de processus d'apprentissage continu impliquant des interactions avec le territoire et ses acteurs (Deffontaines et al., 2017). Face à ce constat et à cette problématique, l'action de recherche entreprise s'est donnée pour objectif de coconcevoir avec les acteurs du territoire des scénarios de sortie du glyphosate en phase avec la réalité martiniquaise. Afin de répondre à cet objectif, notre démarche de recherche basée sur la prospective participative s'est déclinée en trois étapes. En premier lieu, un diagnostic des usages du glyphosate sur un bassin versant (45 km²) réalisé à partir de 32 entretiens avec différents profils d'agriculteurs et agricultrices. Puis, un recensement des pratiques alternatives mises en oeuvre en Martinique à partir de 10 exploitations innovantes et économes en glyphosate, ayant permis d'identifier 7 catégories de pratiques alternatives. Ces deux étapes ont débouché chacune sur un atelier participatif avec différents acteurs volontaires du territoire (agriculteurs, représentants de filières agricoles, centres techniques, scientifiques, institutionnels, etc.) afin de partager leur positionnement sur le sujet. Les convergences et les éventuels points de blocage ont pu être identifiés et les résultats complétés à travers des discussions croisées. Les sorties de ce travail en amont nous ont permis de préparer une dernière étape sous forme d'un atelier de coconception de scénarios de sortie du glyphosate adaptés à la Martinique. L'exploration des scénarios s'est faite grâce à un exercice de co-écriture en trois sous-groupes lors d'un atelier regroupant plus d'une trentaine d'acteurs ayant majoritairement contribué aux étapes précédentes. Cet atelier s'est déroulé en deux sessions : une première pour explorer des futurs contrastés afin de familiariser les participants avec l'exercice de prospective et de balayer plus largement le champ des possibles, allant d'un avenir fortement dépendant au glyphosate à un avenir totalement dépourvu de cette substance. La deuxième session avait pour but d'élaborer collectivement trois scénarios réalistes qui prennent en compte différentes dimensions abordées dans la première session. Cette approche ludique a permis d'éviter d'éventuels blocages dans le processus de réflexion (Imache et al., 2009). L'analyse des trois scénarios réalistes révèlent quatre principaux résultats. (i) La réduction progressive de l'utilisation du glyphosate d'ici 2035. Les scénarios convergent tous vers cet objectif sans pour autant aboutir à un arrêt complet. La principale raison évoquée est qu'un arrêt total et précoce pourrait engendrer un effet de substitution par une autre substance herbicide. Ce qui n'était pas souhaitable du point de vue des participants. (ii) Le besoin d'accompagnement pour acquérir les connaissances et les compétences nécessaires aux agriculteurs réduisant ou arrêtant l'usage de glyphosate. Les trois scénarios mentionnent les rôles de la recherche et des accompagnateurs agricoles respectivement comme décisifs dans la création de nouvelles connaissances et le déploiement des pratiques alternatives sur le territoire. Il faudra entre autres réintensifier les dynamiques d'accompagnement par des organismes existants (Chambre d'Agriculture, Institut Technique Tropical, etc.) ou à créer (associations, organisations de producteurs, etc.). (iii) Une évolution de la réglementation et des systèmes de subvention. Ce point est traité dans chacun des scénarios, mais de différentes manières. Qu'elles soient coercitives ou incitatives, les mesures tendent à trouver un équilibre pour ne pas laisser les producteurs sans issue (dérogations exceptionnelles, implication des services techniques publics) et s'harmoniser entre mesures locales, nationales et européennes. Les décaissements des subventions locales en temps et en heure ont été identifiés comme essentiels. (iv) Une nouvelle organisation du maillage territorial. Ce point découle de l'identification des freins actuels au développement agricole en Martinique. Notamment en matière de collaboration entre agriculteurs, mais aussi inter-instituts et inter-filières de productions. Or, les différents ateliers menés au cours de ce projet ont montré des synergies possibles entre acteurs par la mutualisation des connaissances et des ressources respectives. L'exemple du partage de matériel agricole, i.e. structure type CUMA, a souvent été abordé, mais sous conditions d'une bonne gestion du partage de matériels et de l'équité entre exploitants. Ce travail collaboratif offre des perspectives prometteuses pour entreprendre une démarche de réduction visant à l'arrêt du glyphosate à l'échelle territoriale en milieu tropical insulaire. En valorisant les différentes formes d'expertises d'une diversité d'acteurs et misant sur leur complémentarité, ce travail a favorisé l'émergence d'idées nouvelles, enrichissant ainsi les visions individuelles et collective pour un futur commun souhaitable. Enfin, cette étude, à travers une question simple autour de l'usage d'une substance, a permis d'aborder des questions bien plus vastes qui touchent à l'évolution des pratiques agricoles et plus généralement à celle du modèle agricole de demain, faisant écho aux dernières manifestations de la profession agricole en France.

Mots-clés libres : Glyphosate, Martinique, Agriculture, Co-conception, Prospective participative

Auteurs et affiliations

  • Andre Perrine, CIRAD-PERSYST-UPR HortSys (MTQ)
  • Imache Amar, Lisode (FRA)
  • Cattan Philippe, CIRAD-ES-UMR TETIS (FRA)
  • Poser Christophe, CIRAD-PERSYST-UPR AIDA (FRA)
  • Pak Lai-Ting, CIRAD-PERSYST-UPR HortSys (FRA)

Source : Cirad-Agritrop (https://agritrop.cirad.fr/609744/)

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