Agritrop
Accueil

Caractériser les leviers techniques permettant de développer des alternatives à l'usage des pesticides de synthèse

Martin Thibaud, Andre Perrine, Risede Jean-Michel, Lammoglia Sabine Karen Djidemi, Sester Mathilde, Deletre Emilie, Diabate Seydou, Konan Arthur, Le Bellec Fabrice, Ghneim Thaura, Cote François-Xavier. 2025. Caractériser les leviers techniques permettant de développer des alternatives à l'usage des pesticides de synthèse. In : Rapport final de l'initiative " Pesticide Reduction for Tropical Agricultures " (Pretag) 2023-2024. Côte François-Xavier (ed.), Le Bellec Fabrice (ed.), Martin Thibaud (ed.), Temple Ludovic (ed.), Blouin Annaig (ed.), Loeillet Denis (ed.), Baufume Servane (ed.), Ghneim Thaura (ed.). Montpellier : CIRAD, 39-55.

Chapitre de rapport
[img]
Prévisualisation
Version publiée - Français
Utilisation soumise à autorisation de l'auteur ou du Cirad.
3_Chapitre 2_Martin et al_2025.pdf

Télécharger (629kB) | Prévisualisation

Résumé : Le projet Pretag a permis de produire un guide des pratiques alternatives à l'utilisation des pesticides de synthèse, basé sur une revue bibliographique. Ce guide recense et documente dans 20 fiches spécifiques les 20 principaux leviers qui de façon directe ou indirecte permettent de réduire l'usage des pesticides de synthèse en agissant sur la santé des plantes, le contrôle du développement des bioagresseurs ciblés dans différentes cultures tropicales. Des informations concernant les conditions de mise en oeuvre de ces leviers ainsi que la performance agronomique et environnementale sont également présentés quand cela a été possible, une référence à la faisabilité économique. Des exemples d'application et des références bibliographiques sont également fournis. Ces fiches ont été élaborées à partir de retours d'expériences des chercheur.e.s en contact avec les agriculteurs et les “terrains”, de connaissances scientifiques, ainsi que des résultats de recherches menées par les équipes du Cirad et leurs partenaires dans différentes régions tropicales, portant sur divers systèmes de cultures, notamment maraîchage, banane, riz, café et cacao. La revue de ces pratiques a mis en évidence qu'aucune technique alternative basée sur les concepts de l'agroécologie ne peut remplacer à elle seule le recours aux différentes familles de pesticides de synthèse (herbicide, insecticide, fongicide, ...). Le guide souligne aussi que des facteurs environnementaux, tels que le pédoclimat, la biodiversité, la diversité des plantes cultivées, la santé des sols et l'équilibre des écosystèmes, jouent un rôle majeur dans la réduction des risques liés aux bioagresseurs. Par ailleurs, une plante en bonne santé dans un écosystème équilibré, sera toujours plus résistante aux attaques des bioagresseurs, si elle est cultivée en l'absence de stress hydrique ou thermique dans un sol vivant, riche en micro-organismes, avec des pratiques agronomiques intégrant des associations culturales adaptées et une rotation avec des cultures complémentaires. Ainsi pour répondre à la nécessité de devoir combiner plusieurs techniques, nous avons proposé une structure en forme de pyramide pour illustrer une approche générique de la gestion agroécologique des bioagresseurs d'une culture. La “base” de la pyramide est un préalable au développement d'une transition agroécologique. Cette base intègre des leviers favorables à une bonne santé du système agricole rendant le système plus résilient et performant. Elle est complétée par le niveau suivant qui intègre les leviers de surveillance et de limitation des infestations. Il s'agit des leviers consistant à réduire les risques de contamination, d'infestation et de pullulations des bioagresseurs. Les leviers de ces deux premiers niveaux reposent sur des techniques agronomiques et prophylactiques qui assurent une bonne santé de l'agrosystème et des plantes cultivées. Viennent ensuite les niveaux supérieurs qui introduisent des mesures biologiques et physiques permettant de compléter les défenses des plantes contre les bioagresseurs. Le contrôle biologique regroupe des leviers relatifs au contrôle des bioagresseurs grâce à des techniques reposant sur des processus biologiques (prédation, parasitisme, attraction, etc.). Le contrôle physique regroupe des leviers relatifs au contrôle des bioagresseurs grâce à des techniques reposant sur des processus physiques. Le dernier niveau enfin intègre les leviers de type Biocides. Les biocides sont relatifs au contrôle des bioagresseur grâce à l'application de substances naturelles présentes dans l'environnement. Ils sont composés d'extraits de plantes ou de microorganismes et peuvent être utilisés soit en préventif pour réduire les risques d'infestation soit en curatif avec une fréquence plus élevée d'application pour réguler la population d'un bioagresseur. En effet contrairement aux molécules chimiques de synthèse les biocides sont rapidement dégradés dans l'environnement d'où leur moindre efficacité pour le contrôle des ravageurs ce qui peut être compensé par une augmentation de la fréquence d'application. Le guide souligne l'importance de la combinaison de leviers pour développer des alternatives opérationnelles visant la réduction de l'usage des pesticides et illustre ce principe par le cas d'étude banane. Les pratiques agroécologiques mises en place par le producteur doivent bien sûr être adaptées aux contextes locaux, tant en termes d'environnement que de systèmes de cultures ou de climat, avec un accompagnement continu de la recherche pour informer sur les risques d'invasions de bioagresseurs, sur les progrès des techniques agroécologiques mais aussi en lien avec des réseaux d'agriculteurs pour échanger régulièrement des savoirs et des ressources, des problèmes et des solutions. Cette approche se veut flexible et évolutive, en priorisant les techniques jugées les plus efficaces et les moins couteuses par les acteurs selon les spécificités de chaque culture et de chaque territoire. Beaucoup reste à faire pour trouver les bonnes combinaisons de techniques adaptées aux différentes cultures, territoires, climat et marchés d'une part et d'autre part de l'évaluation des coûts de ces stratégies de protection agroécologiques. Seules quelques-unes ont pu être évaluées. Certains leviers sont couteux au moment de leur implémentation comme les haies et les plantes de service qui apportent des services de plus en plus importants au fur et à mesure de leur développement avec une amélioration de la fertilité des sols, une meilleure régulation des bioagresseurs par les ennemis naturels ou une pollinisation plus efficace des espèces cultivées. D'autres leviers relevant de la protection physique comme les filets anti-insectes ou le paillage plastique nécessitent un investissement élevé mais qui sera amorti dans le temps voire réduit par des mesures incitatives comme des réductions de taxes accordées pour la plupart du matériel agricole. D'autres encore favorisant la diversité des espèces cultivées donc la biodiversité vont avoir un impact positif non négligeable mais difficile à évaluer car lié à l'amélioration de la résilience du système d'exploitation sur le long terme face à l'arrivée potentiel de nouveaux bioagresseurs ou d'évènements climatiques extrêmes. Enfin l'évaluation des coûts cachés est un véritable challenge pour évaluer les bénéfices de la protection agroécologique des cultures. Ils portent sur l'amélioration de la santé des sols qui va être le garant de leur durabilité, l'augmentation de la biodiversité et de tous les services directs et indirects qu'elle permet que ce soit pour la régulation des bioagresseurs, l'abondance et la diversité des pollinisateurs tant pour les espèces cultivées que pour l'apiculture et enfin sur la réduction des risques d'intoxication pour les agriculteurs et les consommateurs. La suite de ce travail consistera à : 1) Poursuivre les recherches sur les différents leviers; 2) Coconstruire avec les acteurs des territoires des agroécosystèmes intégrant ces techniques agroécologiques de protection des cultures et leurs contraintes techniques, économiques et climatiques ( y compris changement climatique en cours); 3) Evaluer leurs performances et les impacts environnementaux en lien avec la demande des marchés; 4) Communiquer et faire la promotion de ces nouveaux systèmes agroécologiques en lien avec la création de nouveaux secteurs d'activités. La poursuite du travail pourra également concerner de nouvelles filières telles que le coton, la canne à sucre ou le palmier à huile. Ces filières pourront ainsi contribuer à enrichir et à compléter les 20 fiches techniques proposées.

Résumé (autre langue) : The PRETAG project has produced a comprehensive guide outlining alternative practices to reduce reliance on synthetic pesticides, informed by an in-depth bibliographic review. This guide features a collection of 20 technical sheets, each detailing methods with direct or indirect impacts on plant health. Each sheet provides detailed information on targeted pests, relevant crops, application conditions, and agronomic and environmental performance. Where applicable, they also provide insights into economic feasibility. Each sheet is supplemented with practical application examples and relevant bibliographic references. The guide was created by leveraging field insights from researchers working closely with farmers, integrating scientific knowledge, and drawing on research conducted by CIRAD teams and their partners in various tropical regions. The practices outlined span multiple cropping systems, including vegetable farming, bananas, rice, coffee, and cocoa. The review of these practices revealed that no single alternative technique based on agroecological concepts can fully replace the use of synthetic pesticide families (herbicides, insecticides, fungicides, etc.). The guide also highlights the critical role of environmental factors—such as soil and climate conditions, biodiversity, crop diversity, soil health, and ecosystem balance—in mitigating risks posed by pests and pathogens. Moreover, a healthy plant in a balanced ecosystem is inherently more resilient to pest attacks. This resilience is enhanced when the plant is cultivated without water or heat stress, in living soils rich in microorganisms, and under agronomic practices that incorporate appropriate crop associations and rotations with complementary crops. To address the necessity of combining multiple techniques, we introduced a pyramid-shaped framework to represent a generic approach to agroecological pest and pathogen management. The “base” of the pyramid represents a prerequisite for developing an agroecological transition. This foundation includes levers that promote the overall health of the agricultural system, making it more resilient and efficient. It is complemented by the next level, which focuses on monitoring and limiting infestations. This level comprises strategies aimed at reducing risks of contamination, infestation, and pest outbreaks. The levers in these first two levels are based on agronomic and prophylactic techniques that ensure the health of the agroecosystem and cultivated plants. The upper levels of the pyramid then introduce biological and physical measures to further enhance plant defenses against pests and pathogens. Biological control involves levers based on biological processes such as predation, parasitism, or attraction to manage pests while physical control includes levers based on physical processes to control pests. Finally, the top level of the pyramid incorporates biocidal levers, which rely on the application of natural substances found in the environment. Derived from plant extracts or microorganisms, these biocides can be applied preventively to reduce infestation risks or curatively, with increased application frequency, to control pest populations. Unlike synthetic chemical molecules, biocides degrade rapidly in the environment, which limits their efficacy in pest control but can be offset by increasing the frequency of application. The guide emphasizes the importance of combining these levers to develop operational alternatives for reducing pesticide use. This principle is illustrated through the case study of banana cultivation. Agroecological practices implemented by producers must be tailored to local contexts, taking into account the environment, cropping systems, and climate. These practices require sustained research support to assess pest invasion risks, advance agroecological techniques, and foster collaboration through farmer networks for exchanging knowledge, resources, challenges, and solutions. This approach is designed to be flexible and adaptive, prioritizing techniques considered most effective and cost-efficient by stakeholders, based on the specific characteristics of each crop and territory. Much work remains to identify the right combinations of techniques tailored to different crops, territories, climates, and markets, as well as to evaluate the costs of these agroecological protection strategies. Only a few of these strategies have been thoroughly assessed so far. Some levers, such as hedgerows and cover crops, are costly to implement initially but provide increasing benefits over time. These include improved soil fertility, better pest regulation through natural enemies, and more efficient pollination of cultivated species. Other levers, like physical protection measures such as insect nets or plastic mulching, require significant upfront investments, but these can be amortized over time or offset through incentives, such as tax reductions on most agricultural equipment. Additional levers, such as promoting crop diversity and thus biodiversity, have a significant positive impact. However, these benefits are harder to quantify as they are tied to the long-term resilience of farming systems in the face of potential new pests or extreme climatic events. Finally, assessing hidden costs remains a key challenge in evaluating the benefits of agroecological crop protection. These include improvements in soil health, which underpin sustainability, increased biodiversity and the direct and indirect services it provides (e.g., pest regulation, abundance and diversity of pollinators for both cultivated species and beekeeping), and reduced risks of poisoning for farmers and consumers alike. In conclusion, this work resulted in the development of a generic method for designing and evolving agroecological protection strategies across different cropping systems. This method combines diverse, complementary levers to preserve and enhance the health of cultivated plants while offering added protection against pests and, in certain cases, extreme climatic events. While certain strategies are already being implemented by producers, many others still require validation or innovation. The next steps for this work include: - Continuing research on the different levers. - Co-constructing agroecosystems with local stakeholders that incorporate these agroecological protection techniques while addressing their technical, economic, and climatic constraints (including ongoing climate change). - Evaluating the performance and environmental impacts of these systems in response to market demands. - Communicating and promoting these new agroecological systems in alignment with the creation of new business sectors. Another critical step will involve developing and compiling specific strategies or combinations of levers tailored to each cropping system—not only for the five studied value chains but also for others such as cotton, sugarcane, and oil palm.

Mots-clés libres : Leviers techniques, Alternatives aux pesticides, Alternative agroecologique, Protection durable, Contrôle biologique, Contrôle physique, Biocides, Bonne santé du système agricole, Pyramide des leviers techniques

Agences de financement hors UE : Agropolis Fondation, Agence Nationale de la Recherche

Auteurs et affiliations

Contributeurs et affiliations

Autres liens de la publication

Source : Cirad-Agritrop (https://agritrop.cirad.fr/612259/)

Voir la notice (accès réservé à Agritrop) Voir la notice (accès réservé à Agritrop)

[ Page générée et mise en cache le 2025-03-06 ]