Promesses et effets des observatoires fonciers : une géographie politique de dispositifs sociotechniques pour le développement en contextes africains et sénégalais (1980/2022)

Grislain Quentin. 2022. Promesses et effets des observatoires fonciers : une géographie politique de dispositifs sociotechniques pour le développement en contextes africains et sénégalais (1980/2022). Paris : Université Panthéon-Sorbonne, 400 p. Thèse de doctorat : Géographie : Université Panthéon-Sorbonne

Encadrement : Magrin, Géraud ; Bourgoin, Jérémy

Résumé : n Afrique subsaharienne, depuis le début des années 1990, le concept d'observatoire foncier a soulevé un fort intérêt dans le champ du développement. Pourtant, malgré la grande visibilité du concept, beaucoup d'observatoires fonciers restent au stade de projets de papier avec peu de concrétisations sur le terrain ou n'ont qu'une existence symbolique (un logo, un atelier de lancement, un site Internet) sans production réelle d'informations ni diffusion de connaissances. Cette thèse analyse la circulation et la matérialisation du discours qui met en avant la création d'observatoires fonciers comme instruments de promotion d'une " bonne gouvernance foncière ". Elle est fondée sur une analyse approfondie des initiatives d'observatoires fonciers au Sénégal et d'une mise en perspective avec d'autres expériences d'observatoires ailleurs en Afrique (Burkina Faso, Madagascar, Ouganda, Tchad, etc.). À partir d'enquêtes de terrain principalement menées au Sénégal (octobre-décembre 2020 et octobre-décembre 2021) et en Ouganda (février-mars 2020) et enrichies par les apports de la géographie politique, de la sociologie de l'action publique et de la socio-anthropologie du développement, la thèse étudie les discours et les pratiques autour des projets d'observatoires fonciers et la distance entre les deux. Ce travail repose sur l'hypothèse selon laquelle les dimensions idéelles, symboliques et performatives des observatoires fonciers sont aussi importantes que leur matérialité et les effets concrets sur l'action publique. Il s'organise autour de trois axes : la circulation et l'évolution du concept d'observatoire et l'analyse des réseaux d'acteurs qui contribuent à sa diffusion ; les processus de fabrique et de mise en oeuvre des observatoires fonciers sur le terrain et leurs effets sur l'action publique ; enfin " ce qui fait ressource " dans une démarche d'observatoire foncier ainsi que les rapports de pouvoir qui se font jour autour de la captation de ces ressources (informationnelles, matérielles, symboliques, etc.). Cette recherche montre qu'au fur et à mesure de la construction des politiques publiques foncières et de l'évolution de l'aide au développement, le concept d'observatoire foncier a acquis de nouvelles finalités, s'ancre dans de nouvelles institutions et suscite l'intérêt de nouveaux acteurs. Le concept d'observatoire foncier a ainsi évolué vers l'un de ces mots à la mode que de nombreux acteurs utilisent dans le champ du développement mais qui signifient beaucoup de choses différentes pour différents types d'acteurs. Elle montre également les nombreux écarts de mise en oeuvre (implementation gaps) entre les objectifs annoncés par les promoteurs des observatoires fonciers, en particulier en termes de production et diffusion de connaissances, et ce que les équipes des observatoires parviennent à faire sur le terrain. Enfin, face à de nombreux observatoires sans données, la recherche met en évidence que la dimension symbolique des observatoires fonciers prend le pas sur leur production effective et leur effet sur l'action publique. Par conséquent, la compétition pour capter ce qui fait ressource dans les projets d'observatoires fonciers est une compétition plus orientée vers des ressources symboliques que vers des ressources matérielles et informationnelles pour formuler des diagnostics différents de ceux posés par les acteurs dominants et infléchir les rapports de pouvoir fondés sur un accès asymétrique à l'information. Finalement, le résultat principal de cette recherche est de mettre en évidence que, jusqu'à présent, les observatoires fonciers tels qu'ils ont été mis en place en Afrique n'ont pas bouleversé les relations de pouvoir entre acteurs, ni la compétition pour les ressources au sein de l'arène foncière.

Résumé (autre langue) : In sub-Saharan Africa, since the early 1990s, the concept of land observatory has aroused great interest in the field of development. However, despite the high visibility of the concept, many land observatories remain at the stage of paper projects with little concrete implementation in the field or have only a symbolic existence (a logo, a launch workshop, a website) without any actual production of information and dissemination of knowledge. This thesis analyses the circulation and materialisation of the discourse that promotes the implementation of land observatories as instruments for the promotion of " good land governance ". It is based on an in-depth analysis of land observatory initiatives in Senegal and a comparison with other observatory experiences elsewhere in Africa (Burkina Faso, Chad, Madagascar, Uganda, etc.). This thesis, based essentially on field research carried out in Senegal (October-December 2020 and October-December 2021) and Uganda (February-March 2020) supplemented by political geography, sociology of public action and socio-anthropology of development insights, sheds light on the discourses and practices around land observatory projects and the distance between the two. This work is based on the hypothesis that the ideal, symbolic and performative dimensions of land observatories are as important as their materiality and concrete effects on public action. It is organised around three axes : the circulation and evolution of the land observatory concept and the analysis of the networks of actors that contribute to its dissemination ; the processes of setting up and implementing land observatories in the field and their effects on public action ; and finally, " what constitutes a resource " in a land observatory approach as well as the power relationships that emerge around the capture of these resources (informational, material, symbolic, etc.). This research shows that, along with the evolution of public land policies and development aid, the concept of land observatory has acquired new purposes, is anchored in new institutions and is attracting the interest of new actors. The concept of land observatory has evolved into one of those buzzwords that many actors use in the field of development but which mean many different things to different types of actors. It also shows the many implementation gaps between the objectives announced by the promoters of land observatories, particularly in terms of knowledge production and dissemination, and their results and impacts in the field. Finally, considering the many observatories without data, the research shows that the symbolic dimension of land observatories takes precedence over their actual production and their effect on public action. Consequently, the competition for resources in land observatory projects is more oriented towards symbolic resources than towards material and informational resources, in order to formulate diagnoses that differ from those posed by the dominant actors and to influence power relationships based on asymmetric access to information. Hence, the main result of this research is to show that, as it stands particularly in Africa, land observatories have not upset the power relationships between actors, nor the competition for resources within the land arena.

Mots-clés libres : Observatoire foncier, Action publique, Mythe sociotechnique, Géographie politique, Afrique

Auteurs et affiliations

• Grislain Quentin, CIRAD-ES-UMR ART-DEV (MDG)

Source : Cirad-Agritrop (https://agritrop.cirad.fr/608072/)

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