Agritrop
Accueil

La "fiente de poulet" dans les cacaoyères de Côte d'Ivoire. Une révolution agroécologique et sociale, une innovation villageoise "frugale"

Ruf François, Kla Abelle Galo, Kiendré Josué, Dja Kouassi. 2015. La "fiente de poulet" dans les cacaoyères de Côte d'Ivoire. Une révolution agroécologique et sociale, une innovation villageoise "frugale". Paris : Inter-réseaux développement rural, 15 p.

Article de site web
[img]
Prévisualisation
Version publiée - Français
Sous licence Licence Creative Commons.
document_575862.pdf

Télécharger (493kB) | Prévisualisation
[img]
Prévisualisation
Version publiée - Anglais
Sous licence Licence Creative Commons.
document_575862.pdf

Télécharger (472kB) | Prévisualisation
[img]
Prévisualisation
Version publiée - Français
Sous licence Licence Creative Commons.
575862.pdf

Télécharger (191kB) | Prévisualisation

Titre anglais : Chicken manure in the cocoa plantations of Côte d'Ivoire. An agro-ecological and social revolution, a 'frugal' village innovation

Note générale : Existe aussi en version anglaise

Résumé : Depuis 2011, une partie de l'Industrie, poussée par IDH (structure parapublique hollandaise dont la mission est d'optimiser les efforts conjoints des secteurs publics et privés sur plusieurs filières), s'intéresse de plus en plus à l'engrais tout en se posant des questions pertinentes (quels engrais pour quels sols ? Quels modes d'application ?) mais ce réveil des multinationales du chocolat sur les engrais affiche bien du retard sur les villageois pionniers de la " boucle du cacao " à Soubré en Côte d'Ivoire. Or, précisément au moment où l'industrie prend le train de l'engrais chimique, l'agriculture familiale amorce une diversification de ses stratégies de fertilisation, vers des intrants de plus en plus biologiques. Une innovation nait notamment dans les années 2000, prenant une ampleur considérable dans les années 2010 : la fertilisation des cacaoyères par application de fiente de poulet, objet d'une véritable nouvelle filière. Pourquoi cette innovation ? Pourquoi son amorce dans les années 2000 et sa phase exponentielle dans les années 2010 ? Quatre hypothèses imbriquées sont testées. La première est celle de " l'innovation frugale " : les planteurs préfèreraient utiliser l'engrais chimique mais les contraintes financières les amènent à se rabattre sur un engrais organique " fiente de poulet ", moins cher. Au-delà du problème financier, certains espèrent faire mieux avec ce " moins ", ce qui conforterait l'idée d'innovation frugale mais introduirait aussi une hypothèse concomitante, celle d'une invention ou révolution agro-écologique : sous certaines conditions, les planteurs découvriraient et diffuseraient une technique d'intensification agro-écologique peut-être très efficace et plus durable que la voie chimique ? La troisième hypothèse est celle d'un réseau de planteurs migrants jouant un rôle majeur dans l'innovation notamment parce qu'ils ont un accès privilégié à l'information sur plusieurs espaces économiques, et par des réseaux très efficaces pour diffuser l'information. Enfin, dans le contexte politique traversé par la Côte d'Ivoire, alors que son économie renoue avec la croissance, alors que l'Industrie du chocolat intervient de plus en plus massivement auprès des planteurs et des coopératives, vient une quatrième hypothèse, celle d'un impact direct ou indirect des politiques publiques et/ou du secteur privé. L'analyse s'appuie sur plusieurs enquêtes, en 2007 (800 exploitations cacaoyères dans une étude pour le compte de l'Union Européenne), en 2012 auprès de 145 exploitations, spécifiquement sur la fertilisation des cacaoyères, et un suivi d'exploitations depuis 2013 (140 exploitations dans un programme conjoint " Initiative engrais " avec IDH) en passant par des observations plus locales dans diverses régions de Côte d'Ivoire. Malgré des points en suspens et des démonstrations plus quantitatives en attente, les trois grandes hypothèses pour caractériser ce boom, " Innovation frugale " liée au marché, " intensification agroécologique associée à un changement social", " innovation de réseaux de migration " sont validées. Ainsi, selon les planteurs, les cacaoyers répondent plus vite à fiente de poulet qu'à l'engrais chimique. Des gains de rendements d'au moins 30% sur un an, bien répartis sur l'année, sont évoqués. Des tests en station et des recherches participatives dans les villages sont urgents. La quatrième hypothèse sur le rôle des politiques publiques trouve une réponse dans les investissements de l'Etat dans la réhabilitation des routes et des pistes. Ce constat illustre l'adage de Louis Malassis, professeur d'Economie agricole dans les années 1970/80: " Il n'y a pas de solution agricole aux problèmes de l'agriculture ". L'idée serait de laisser les agriculteurs s'occuper de l'agriculture et les aider en priorité sur leur environnement. De fait, à côté de la fiente de poulet, la Côte d'Ivoire connait un véritable foisonnement d'initiatives et d'innovations sur toutes formes de fumure organique : fumier de bovins, moutons, déchets de porcs, mais aussi déchets domestiques. On a même identifié 2% de cas de récupération dans les latrines des villages. La toute dernière innovation repérée est celle de cendres de rafles de palmiers, peut-être en plein essor. Et ce foisonnement d'innovations paysannes ne concerne pas seulement la fertilisation. Dans tous les pays, les innovations agricoles passent très souvent par les réseaux villageois, en dehors des institutions du développement. Pour tous les décideurs et développeurs des secteurs publics et privés, il est une réalité quasi universelle difficile à accepter : par leurs innovations et leurs adaptations aux changements d'environnements économiques et écologiques, les agriculteurs villageois sont souvent en avance sur les institutions publiques, les multinationales, les ONG internationales. Dans cette économie de plantation ivoirienne en profonde mutation, le monde dit du développement durable, tant public que privé, fournit un réel effort mais n'a t-il pas encore de quoi méditer sur ses trains en retard ?

Résumé (autre langue) : Since 2011, part of industry, driven by IDH (Dutch parapublic organization for sustainable trade initiatives whose mission is to optimize the joint efforts of the public and private sectors across different supply chains), has concentrated increasingly on fertilizers and the specifics of their use. Which fertilizer to use on which soils? What modes of application? But this focus of the chocolate multinationals on fertilizers has lagged well behind the pioneering smallholders of Côte d'Ivoire's 'cocoa belt' in Soubré. But just when industry started to advocate the use of chemical fertilizers, family farmers began to diversify their fertilization strategies, increasingly turning towards more organic inputs. A particular innovation emerged in the 2000s and has been taking considerable hold in the 2010s: the fertilization of cocoa trees by the application of chicken manure, the birth of a truly new sector. Why this innovation? Why did it emerge in the 2000s and grow exponentially in the 2010s? We will empirically test four interconnected hypotheses. The first is that of the 'frugal innovation': the farmers would prefer to use chemical fertilizers but financial constraints compel them to fall back on a cheaper organic fertilizer: chicken manure. Second, going beyond the financial aspect, some farmers hope to do better with this 'lesser' fertilizer, which not only reinforces the idea of frugal innovation but also introduces a concurrent hypothesis, that of an agro-ecological invention or revolution: under certain conditions, farmers hope to discover and disseminate an agro-ecological intensification technique that is more effective and sustainable than the chemical-based solution of mineral fertilizers. The third hypothesis is that of a network of migrant farmers who play a major role in innovation mainly because they have privileged access to information from several economic spaces and to very effective networks to disseminate information. Finally, in Côte d'Ivoire's current political context, with its economy returning to growth and with the chocolate industry becoming increasingly involved with farmers and cooperatives, is a fourth hypothesis, that of a direct or indirect impact of public policies and/or the private sector. Our analysis is based on several surveys: in 2007 (800 cocoa farms in a study on behalf of the European Union), in 2012 on 145 farms, specifically on the fertilization of cocoa trees, and a followup of farms since 2013 (140 farms in a 'fertilizer initiative' joint programme with IDH), all complemented by more local observations in various regions of Côte d'Ivoire. This exploratory paper throws light on an impressive innovation that rural society discovered on its own, one that concerns a village plantation economy undergoing profound transformation. Despite the outstanding issues and while awaiting more quantitative proofs, the three major hypotheses to characterize this boom, market-related 'frugal innovation', 'agro-ecological intensification associated with social change', and 'innovation of migrants' networks' are validated. According to the farmers, cocoa responds faster to chicken manure than it does to chemical fertilizer. Increased annual yields of 30% with the use of chicken manure, well-distributed across the year, were mentioned. It is obvious that agricultural station trials and participatory research in the villages need to be conducted urgently. The fourth hypothesis, on the role of public policy, finds a response in the State's investment in the rehabilitation of roads and tracks. It illustrates well the adage of Louis Malassis, Professor of Agricultural Economics in the 1970s and 1980s: 'There are no agricultural solutions to agricultural problems.' The idea is to let farmers take care of agriculture and to help them indirectly by creating an enabling environment for their activities. In addition to chicken manure, Côte d'Ivoire is host to a proliferation of initiatives and innovations on all forms of organic fertilization: cattle manure, sheep manure, pig waste as well as household waste. We even identified 2% recovery of human waste from village latrines. The latest innovation, and one that is spreading fast, is the use of palm frond ash. And this multiplicity of farmer innovations concerns much more than fertilization. It has been observed across countries that very often agricultural innovations are disseminated by villager networks, with no involvement of development institutions (17). For decision makers and development agents of the public and private sectors, this quasi-universal reality is hard to accept. Through their innovations and adaptations to changes in economic and ecological environments, smallholders show themselves to be often ahead of the public institutions, multinationals, and international NGOs. Even though the so-called world of sustainable development, as represented by the public and private sectors, puts in a real effort in this Ivorian plantation economy in profound mutation, does it not need to reflect on why it is always lagging behind?

Mots-clés libres : Cocoa, Innovation, Fertilizer, Organic manure, Chicken manure, Crop residue, Family networks, Migration network, Côte d'Ivoire

Classification Agris : E14 - Économie et politique du développement
F04 - Fertilisation
E80 - Économie familiale et artisanale

Auteurs et affiliations

Source : Cirad - Agritrop (https://agritrop.cirad.fr/575862/)

Voir la notice (accès réservé à Agritrop) Voir la notice (accès réservé à Agritrop)

[ Page générée et mise en cache le 2024-01-21 ]